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10 ans de législation pour l’e-cigarette est un article tiré de notre dossier “10 ans de Vape” du ONESHOT Magazine #5. Une rétrospective de l’évolution de la législation sur la cigarette électronique depuis 2011.


10 ans de législation pour l’e-cigarette


En plus de 10 ans, la cigarette électronique a su fédérer, selon les estimations, entre 3 et 5 millions d’utilisateurs en France. Face à ce phénomène plébiscité par les fumeurs pour l’arrêt de la cigarette, quelles ont été les évolutions législatives qui ont encadré cette quête de l’e-cigarette sur la décennie écoulée ?

Petit à petit, la cigarette électronique a su prendre toute sa place auprès des fumeurs désireux de sevrage tabagique, quitte à perturber les desseins des grands cigarettiers et de l’industrie pharmaceutique. Assez rapidement, l’explosion de la commercialisation de la cigarette électronique, qui date, en France, de la fin des années 2000 et du début des années 2010, a entraîné tout d’abord des recommandations, puis un encadrement.

En effet, face à l’engouement des Français pour un produit qui permet d’arrêter le tabac, le gouvernement et les instances sanitaires français ont su s’adapter dès 2011 à la législation afin d’encadrer la cigarette électronique.

Par Dee Garp

2011 : La cigarette électronique ne sera pas un médicament si…

Le 30 mai 2011, l’AFSSAPS publie un communiqué au titre évocateur « L’AFSSAPS recommande de ne pas consommer de cigarette électronique ».
L’AFSSAPS est l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. C’est un établissement public, sous la tutelle du ministère de la santé qui est devenue l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM).
C’est l’une des trois agences françaises de sécurité sanitaire avec l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Institut de Veille Sanitaire (INVS). Elle a pour mission principale d’évaluer les risques sanitaires présentés par les médicaments et produits de santé destinés à l’être humain.

Dans son communiqué l’AFSSAPS est catégorique : « Aucune cigarette électronique ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament, aucun fabricant n’ayant déposé de demande en ce sens ». Les cigarettes électroniques ne peuvent pas être vendues en pharmacie.
L’Afssaps justifie sa position en soulignant que les e-liquides « contiennent des quantités de nicotine plus ou moins importantes, qui, même à des concentrations faibles, peuvent conduire à des effets indésirables graves, notamment chez les enfants, en cas d’exposition accidentelle ». Elle précise que son usage « peut exposer les utilisateurs qui n’étaient dépendants ni aux cigarettes, ni à la nicotine, à un risque de dépendance primaire, quelle que soit la quantité de nicotine contenue dans la cartouche ».

Toutefois, en ce qui concerne le risque de toxicité des solvants utilisés, L’AFSSAPS indique qu’« il est difficile de se prononcer en l’absence de données suffisantes. À ce jour, aucun effet indésirable ou cas d’intoxication en lien avec la présence de ces solvants dans les cigarettes électroniques n’a été rapporté ».

Par ce communiqué, qui restera longtemps la pierre angulaire du statut de la cigarette électronique, l’AFSSAPS précise que si cette dernière utilise un taux de nicotine du e-liquide pour la recharger supérieur à 20 mg/ml, alors elle est considérée comme un médicament et doit donc répondre à la réglementation en vigueur qui impose une autorisation de mise sur le marché (AMM).

Si cette limite n’est pas dépassée, la cigarette électronique ne sera donc pas un médicament et ne sera donc pas soumise au Code de la Santé et considéré comme un produit de consommation courante.

2013 : Les recommandations du Conseil d’État au gouvernement en matière de cigarette électronique

Saisi par le Premier ministre d’alors, le Conseil d’État, plus haute instance juridique française, statue en octobre 2013 sur la position que doit adopter le gouvernement en matière de vapotage dans les lieux publics. Cette décision ne sera rendue publique qu’un an plus tard.
En voici, les conclusions :

« Le Conseil d’État a estimé que la législation actuelle relative à l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif n’est ni directement applicable ni directement transposable à la cigarette électronique sans dispositions d’adaptations. Il a néanmoins considéré qu’il est loisible au législateur d’apporter des restrictions à la liberté de « vapoter » sans que toutefois, en l’état des données scientifiques disponibles, cette interdiction ne puisse être aussi générale que celle qui s’applique à la cigarette traditionnelle.

En application de l’impératif de prévention des risques et de protection de la santé publique qui s’apprécie de façon particulière à l’égard des mineurs, le Conseil d’État a cependant estimé qu’il était loisible au législateur d’interdire l’usage de cigarettes électroniques dans l’ensemble des lieux accueillant des mineurs, y compris aux majeurs s’y trouvant. Il a estimé d’autre part que des raisons particulières tenant aux exigences du bon déroulement du travail ou des conditions de transport peuvent aussi, dans une certaine mesure, justifier des mesures d’interdiction de l’usage de la cigarette électronique.

Concernant les autres lieux à usage collectif, une interdiction générale lui a paru disproportionnée, en l’état des connaissances scientifiques en 2013. Il a noté cependant que si un risque de confusion apparaissait entre la cigarette électronique et la cigarette traditionnelle, de sorte que le respect de l’interdiction de fumer dans ces lieux serait compromis, il appartiendrait au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter tout risque de confusion de la cigarette électronique avec la cigarette traditionnelle au titre de la réglementation du produit. »

Le Conseil d’État autorise donc le gouvernement à légiférer sur le vapotage dans les lieux publics afin de protéger les mineurs de la dépendance à la nicotine, mais aussi sur les lieux de travail et dans les transports publics. Toutefois, il insiste lourdement sur le fait que le législateur doit veiller à éviter les confusions entre cigarette électronique et cigarette classique. Il précise également que l’absence d’études démontrant la nocivité de la cigarette électronique, ne doit pas entraver le nombre de fumeurs sortis du tabac grâce à l’e-cigarette.

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2014 : Les premiers éléments législatifs français

Sur cette période, dans le cadre fixé par le Conseil d’État, mais également au regard des recommandations à paraître au niveau européen, le gouvernement français prend certaines mesures.

Dès mars 2014, le législateur interdit la vente de matériel de vapotage et d’e-liquides aux mineurs.
Cette même année, la DGCCRF publie un document cadrant le conditionnement des e-liquides. Selon ce document, les e-liquides pour cigarette électronique répondent aux exigences d’une réglementation relative aux substances et mélanges dangereux, aux médicaments et à l’obligation générale de sécurité. Cette administration précise également que les recharges d’e-liquides sont soumises aux dispositions du règlement (CE) n°1907/2006 (dit REACH) et (CE) n° 1272/2008 (dites dispositions CLP), notamment en termes d’étiquetage et de sécurité de fioles d’e-liquide.

2014 : La Directive sur les produits du tabac (TPD)

Face à l’intérêt grandissant des fumeurs pour l’e-cigarette au niveau européen, la Commission Européenne est chargée par les membres de l’Union Européenne de statuer sur une réglementation applicable en la matière. Cette phase réglementaire marque un tournant pour la cigarette électronique puisqu’elle sera désormais assimilée à un produit du tabac.

Le 3 avril 2014, la Commission européenne publie donc la directive sur les produits du tabac n° 2014/40/UE, qui fixe des règles relatives à la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et produits connexes. Sans instaurer un système d’autorisation de mise sur le marché, la directive impose aux fabricants et importateurs de déclarer ces produits auprès des autorités compétentes des États membres avant leur commercialisation. La composition, les émissions, les données toxicologiques sur les ingrédients, des études approfondies pour certains additifs ainsi que des données de marché doivent être transmises. Elle interdit la vente aux mineurs et la publicité. Elle cadre également le conditionnement et les informations obligatoires.

2016 : La transposition de la TPD en France

La TPD a été transposée en droit français le 19 mai 2016 par l’ordonnance n° 2016-623. Depuis, de nouvelles règles sont apparues pour encadrer les produits du vapotage.

Sur les caractéristiques du produit :

La contenance d’un flacon de e liquide nicotiné est limitée à 10 ml. Sa teneur en nicotine doit être inférieure ou égale à 20 mg/ml. Le flacon doit quant à lui comporter un dispositif de sûreté inviolable et être protégé contre le bris et les fuites.

La dénomination du e liquide ne doit plus contenir le mot « Tabac », ni évoquer le tabac. Cela a conduit les fabricants à remplacer ce mot par le terme « Classic » (Classic blond = tabac blond).

Concernant les réservoirs jetables et les cartouches préremplies avec un e liquide nicotiné, la capacité maximale est fixée à 2 ml.

Sur le conditionnement :

Le flacon d’un e liquide doit mentionner les informations suivantes :

  • la composition du e liquide contenant de la nicotine ;
  •  la teneur moyenne en nicotine et la quantité diffusée par dose ;
  •  Le numéro de lot ;
  • une recommandation selon laquelle le produit doit être tenu hors de portée des enfants ;
  • un avertissement sanitaire : « La nicotine contenue dans ce produit crée une forte dépendance. Son utilisation par les non-fumeurs n’est pas recommandée ».

Une notice comportant les informations suivantes doit également accompagner l’e-liquide :

  • Les consignes d’utilisation et de stockage du produit ;
  • les contre-indications ;
  • les avertissements pour les groupes à risque spécifiques ;
  • les effets indésirables ;
  • l’effet de dépendance et la toxicité ;
  • les coordonnées du fabricant ou de l’importateur.
fabricant eliquide

Sur le contrôle de la qualité des e-liquides :

Les fabricants et importateurs doivent soumettre un dossier de notification de mise sur le marché à l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) 6 mois avant la mise en vente du e liquide nicotiné. Ce dossier doit notamment contenir la composition, les données toxicologiques des ingrédients et des émissions ou encore le processus de fabrication du produit.

Concernant la publicité :
La TPD interdit enfin la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des produits du vapotage.

Les recharges liquides ne doivent pas comporter de représentation graphique du fruit ou de la plante comestible symbolisant le parfum du produit.

Les produits ne doivent pas être susceptibles d’attirer ou d’encourager la curiosité active des enfants ou d’induire les consommateurs en erreur sur la nature du produit.

Par ailleurs, les pages web de présentation des recharges liquides de cigarettes électroniques contenant de la nicotine commercialisée sur internet, doivent contenir des informations sur le classement de danger du produit comme par exemple « Nocif par contact cutané », « Nocif en cas d’ingestion », « Toxique en cas d’ingestion » ou « Toxique par contact cutané » en fonction de la concentration en nicotine du produit ou permettre au consommateur d’avoir une vision claire de l’étiquette.

2017 : Mise en place de la législation concernant le vapotage dans les lieux publics et sur le lieu de travail

L’article L3512-6 du code de la santé publique interdit, depuis le 1er octobre 2017, d’utiliser une cigarette électronique dans les lieux suivants :

  • Les établissements scolaires (école, collège, lycée…) et ceux destinés à l’accueil, la formation et l’hébergement des mineurs ;
  • Les moyens de transport collectif fermés (bus, train, métro…) ;
  • Les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif (plus d’informations ci-dessous).

Cette interdiction vaut également pour les liquides non nicotinés. Les lieux fermés et couverts qui accueillent du public comme les bars, les restaurants ou les commerces ne sont pas concernés par cette loi. Attention ! Le règlement intérieur de l’établissement peut interdire l’usage de la cigarette électronique et il faut alors s’y conformer.

L’article L3512-6 du code de la santé publique prévoit également qu’il est interdit d’utiliser une cigarette électronique dans « les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif ». Cette interdiction est précisée par le décret du 25 avril 2017 et concerne notamment :

  • Les open spaces ;
  • Les ateliers ;
  • Les salles de réunion ;
  • Les cantines, cafétérias ou lieux de repos ;
  • Les vestiaires ou les toilettes.

Ce décret précise que l’interdiction s’applique seulement aux locaux couverts et fermés où sont situés les postes de travail et affectés à un usage collectif. Il n’est donc pas interdit d’utiliser une cigarette électronique dans :

  • Les locaux de travail accueillant du public ;
  • Les locaux de travail non couverts ni fermés (chantier BTP par exemple) ;
  • Les bureaux ou locaux à usage personnel s’ils peuvent être fermés par une porte.

Le règlement intérieur de l’entreprise peut prévoir l’interdiction du vapotage dans les lieux évoqués ci-dessus. Ce règlement prévaut alors sur la loi. L’employeur peut également, s’il le souhaite, mettre à disposition des vapoteurs et/ou des fumeurs un espace fermé à l’intérieur de ses locaux.

Après 2020 : Quelle sera la nouvelle législation ?

En 10 ans, la vape a connu un long processus législatif. D’abord considérée comme un épiphénomène par les autorités, la législation s’est mise en place au fur et à mesure que l’e-cigarette séduisait un nombre toujours plus croissant. Elle s’est ensuite accélérée avec la mise en place de la TPD au niveau européen.
Si nombre de professionnels ou de vapoteurs ont décrié la mise en place de la TPD et sa déclinaison à l’échelle nationale, cette dernière a servi de garde-fou notamment au regard des intoxications à l’acétate de vitamine E survenues aux États-Unis à l’été 2019. Toutefois, ces intoxications ont donné une image négative de la cigarette électronique auprès des législateurs européens, poussant certains gouvernements, comme l’Allemagne ou les Pays Bas à durcir leur législation. Ainsi depuis le début de l’année 2020, des rumeurs de mise en place d’une taxe ou d’interdiction des arômes pour les cigarettes électroniques se font persistantes.


1 Comment
  • Nicolas vapoteur du 57

    Très bon article qui retrace toute l’histoire, beau travail!
    Merci Oneshot

    8 avril 2021at17 h 49 min Répondre
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