Qui de mieux qu’un vape-trotter comme Cem Marasligil de Sunakin pour nous rapporter les différentes mesures de régulation de la vape dans le monde et leurs malheureux effets, entre disparitions des vape-shops, fermetures ou délocalisations d’entreprises, marchés noirs grandissants et retours en force du tabagisme ?! Il était sur Oneshot Media ce jeudi 21 novembre 2024, il nous raconte.
Qui est Cem Marasligil ?
Avant toute chose, des présentations s’imposent.
Co-fondateur de la marque MyGeeko, et plus récemment de Sunakin (en partenariat avec Innokin), Cem Marasligil a toujours baigné dans l’univers de la vape. Chez lui, c’est une véritable histoire de famille, qui a démarré avec son père, l’un des premiers importateurs de cigarettes électroniques, et qu’il a perpétué avec ses frères en montant différentes entreprises de vapotage, spécialisées dans les produits CBD et autres vaporisateurs d’herbes.
Du fait de son métier, qui l’amène à beaucoup voyager, Cem Marasligil a souvent été aux premières loges pour constater les tristes effets des mesures de régulation de la vape dans les pays. À commencer par les États-Unis et la Belgique.
Un évanouissement de la vape aux États-Unis
Impossible, ou presque, rapporte Cem Marasligil, de trouver un véritable vape-shop aux États-Unis désormais.
Suite à la fameuse polémique entourant les cigarettes électroniques Juul (qui a même donné lieu à un documentaire Netflix), accusées d’inciter les jeunes générations à vapoter, les restrictions au niveau des états et de la FDA, l’agence de contrôle sanitaire américaine, se sont enchaînées.
Bannissement des arômes, interdiction des formats pods et durcissement des procédures de mise sur le marché ont ainsi eu raison de nombreux fabricants.
Aujourd’hui, bien peu de produits sont autorisés par la FDA, qui fait tout son possible pour mettre à mal le vapotage dans le pays. Les commercialiser coûte par ailleurs des millions aux entreprises, qui doivent payer des droits d’entrée dans chaque état.
« En 2022, je suis allé visiter des vape-shops aux États-Unis. Les commerçants étaient littéralement en pleurs, ils savaient qu’ils allaient bientôt devoir fermer boutique. Un an plus tard, j’y suis retourné : ils s’étaient tous transformés en “smoke shop” : ils vendent toujours de la vape, mais aussi des cigarettes, des sacs à dos, des t-shirts… tout et n’importe quoi »
– Cem Marasligil, Oneshot spéciale, 21 novembre 2024
Pire encore, aux États-Unis, ces “smoke shops” ne vendent même pas des produits légaux, c’est-à-dire approuvés par la FDA, explique Cem Marasligil. Il s’agit principalement de vapoteuses jetables, ces fameuses puffs 9000 ou 12000 taffs, très en vogue également sur le marché noir français.
Résultat : la plupart des fabricants ont délocalisé leurs activités en Europe. Ceux qui restent sont soumis à des contrôles intensifs de la part de la FDA. Et, au moindre écart, les sanctions sont drastiques : amendes salées, voire suppression temporaire de leur licence. Car en Amérique, toute entreprise liée aux produits du tabac (vapotage compris donc) doit faire la demande d’une licence, pour la modique somme de près de 30 000 dollars – et bien plus encore si la demande concerne une licence fédérale, valable partout…
Et ces effets sont loin de s’appliquer uniquement aux USA. Aux Pays-Bas, on observe exactement la même chose, suite aux restrictions à l’encontre des saveurs du vapotage notamment. Au Québec également, les vape-shops ont du se transformer pour survivre au Flavor Ban. En Belgique encore, la vape n’a jamais été aussi sanctionnée. Ce qui ne présage rien de bon au niveau européen.
Quelle régulation de la vape en Belgique ?
En Belgique, l’encadrement de la vape a toujours été sévère. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant.
Comme l’explique Cem Marasligil, la vente en ligne est interdite depuis 2016. En Belgique, la directive européenne des produits du tabac (TPD) est appliquée dans sa plus stricte version, avec une interdiction des réservoirs de plus de 2 ml notamment, et une procédure de notification obligatoire pour tous les matériels de vapotage (drip-tips y compris) et les e-liquides à la nicotine.
Une procédure qui est devenue on ne peut plus onéreuse depuis l’arrivée de la TPD 2 (165 € par produit à l’origine, contre 200 € désormais, avec renouvellement annuel de 100 €) et qui s’est accompagnée d’une nouvelle obligation : celle d’enregistrer également les produits non nicotinés.
Et pire encore : d’une taxe de 15 centimes par millilitre pour tout e-liquide, nicotiné ou non.
« C’est 15 centimes hors TVA, hors taxe, hors rien. Il faut bien comprendre que c’est 15 centimes supplémentaires par millilitre. Sur un flacon de 10 ml, on a donc 1,5 € d’accises, plus 21 % de TVA. Sur un flacon de 50 ml, 7,5 € d’accises, plus la TVA. Et, pour un flacon d’un litre, on passe à 150 € d’accises, hors TVA. Donc aujourd’hui, concrètement, une base d’un litre en Belgique n’est pas vendue en dessous de 200 € »
– Cem Marasligil, Oneshot spéciale, 21 novembre 2024
Autre problème de taille pour les fabricants : qui dit taxe, dit nouvelles procédures. Les Douanes entrent donc en jeu, tout comme l’entrepôt fiscal pour l’apposition des timbres fiscaux. La charge administrative et organisationnelle est considérable : d’interminables vérifications sont faites, d’innombrables cautions sont demandées. Aucune erreur n’est tolérée. Production, import, export, tout est minutieusement encadré et contrôlé.
Résultat : le marché, déjà réduit, s’est encore resserré en Belgique. Entre l’interdiction de vente en ligne, les restrictions de 2 ml et la taxation, le choix du produit devient bien plus limité – et onéreux – pour un vapoteur belge. La contrebande est donc de mise : la plupart des consommateurs se fournissent désormais en France, en espérant ne pas voir leurs marchandises saisies par la douane. Et, bien entendu, le marché noir est florissant, particulièrement dans les “night shops”.
Pour ne rien arranger, les cigarettes électroniques jetables, qui représentent près de 80 % des produits approuvés sur le marché belge actuellement (la fameuse liste verte), sont en passe d’être interdites dans le pays.
De même, les emballages neutres et leurs étiquettes à rallonge sont désormais de rigueur et, à partir d’avril 2025, les commerçants n’auront même plus le droit de présenter des produits du tabac ou assimilés librement à leurs clients. Tous devront être sous clef. Le client achète, et repart. Il ne bénéficiera plus d’aucune démonstration ni même explication pour l’accompagner dans la prise en main de son matériel ou de son e-liquide.
Le pays en est à un tel point qu’une interdiction des arômes est même à l’étude au gouvernement belge…
De tels scénarios impossibles en France ?
Au regard de ce qu’il se passe actuellement pour la vape dans tous les autres pays d’Europe et du monde, on aurait tort de se dire que de tels événements ne pourraient pas se produire bientôt en France.
Comme le rappelle Cem Marasligil, avec toutes les plus grandes instances européennes à Bruxelles, la Belgique a toujours été une sorte de laboratoire d’essai pour l’Europe. Puis les autres pays membres suivent.
Preuve en est : en France, dans le programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT) figure déjà des mesures tels que le paquet neutre, les contrôles renforcés et la restriction des arômes.
Les récents événements autour du Budget 2025 et des propositions de taxation le prouvent également. Approuvées ou non, la France en est déjà là.
Et, s’il faut une preuve de plus que la France sait s’appuyer sur le cas belge dès que cela arrange ses affaires, il n’y a qu’à aller voir du côté de l’interdiction des puffs validée par l’Europe.
C’est pourquoi il est essentiel de se mobiliser dès à présent, afin que la France reste cette belle exception dans ce paysage mondial dévasté par les restrictions et les interdictions à l’encontre des produits du vapotage.
Pour ne pas voir un produit de réduction des risques taxé plus fortement chaque année, comme c’est le cas au Portugal, en Allemagne, en Italie, en Suisse et dans bien d’autres pays encore.
Pour ne pas voir un produit de réduction des risques saboté continuellement par des interdictions, comme c’est le cas partout, hors des frontières françaises.
« La vape dans le monde, c’est une catastrophe. Il faut se rendre compte : la France, c’est vraiment le dernier bastion où la vape existe encore »
– Cem Marasligil, Oneshot spéciale, 21 novembre 2024
Le témoignage complet de Cem Marasligil en replay
Pour plus de détails et d’anecdotes sur la régulation de la vape dans le monde, on vous donne rendez-vous ci-dessous, avec Nukevapes et Cem Marasligil de Sunakin.
Au programme : un petit tour du monde de la vape pour mieux comprendre les effets de la régulation, et pourquoi il est si essentiel de se battre dès maintenant en France.