On savait que cela allait arriver, on y est : les Pays-Bas interdiront tous les arômes, hormis la saveur tabac, et ce, dès le 1er octobre 2023. Une décision qui fait suite à l’adoption d’un amendement gouvernemental portant sur l’ensemble des produits du vapotage : jetables, pods, rechargeables… De quoi mettre la vape à mal ?
Le contexte dans les Pays-Bas
A partir d’octobre 2023, les boutiques des Pays-Bas ne vendront plus que des vapoteuses ou des recharges aromatisées au tabac. Pourtant, plusieurs études indiquent que seulement 1,4 % des Néerlandais vapotent régulièrement. Alors qu’un adulte sur cinq fume encore du tabac. De quoi se demander si légiférer sur la vape était réellement une urgence…Quoiqu’il en soit, cette nouvelle mesure s’inscrit dans la mise en place d’une stratégie de réduction tabagique instaurée ces deux dernières années. En effet, en 2021, entrait en vigueur la suppression des présentoirs des produits du tabac et l’interdiction de vapoter au sein même des lieux de vente. Et depuis le 1er janvier 2022, les Pays-Bas ont également imposé un emballage neutre pour l’ensemble des produits du tabac et de la nicotine. Sans oublier l’engagement pris de réduire le nombre des points de vente, via leur suppression dans les supermarchés et les stations-service, d’ici 2024.
En attendant, la nouvelle interdiction concernera l’emballage des produits qui ne présenteront plus dès lors aucun descriptif ni visuel suggérant un autre arôme que celui du tabac.
L’objectif ultime : une génération sans tabac d’ici 2040. Fort de ces dernières décisions, le pays a fait un bond de la 14e à la 4e place, pour arriver juste derrière la France, au classement des pays européens du « Tobacco Control Scale ».
Les Pays-Bas à l’encontre de l’opinion publique
Les Pays-Bas ne sont plus à une contradiction près. En effet, le gouvernement avait proposé une consultation publique au début de l’année 2021, demandant à la population si elle validait ce qui n’était encore qu’une possibilité d’interdiction. 98,54% des participants ont rejeté l’idée. En juin 2020, c’est au tour du quotidien néerlandais AD de sonder l’opinion. Cette fois, 55% des 15 000 participants ont voté contre.
Une mesure destinée à protéger les jeunes
Chercheuse à l’Institut Trimbos, Esther Croes explique que “cette interdiction est essentielle pour protéger les plus jeunes de l’initiation aux produits du vapotage”. Selon elle, l’idée que la vape aide au sevrage est en grande partie infondée : « Les recherches montrent que seuls quelques-uns en bénéficient et que la plupart des fumeurs ont une double-consommation, induisant des risques supplémentaires pour la santé ». Et les Pays-Bas ne sont pas les premiers, dans l’Union Européenne, à penser ainsi et à interdire les arômes des e-liquides. Fin 2020 déjà, le Danemark adoptait une réglementation des plus restrictives en bannissant tout arôme qui ne soit du tabac ou du menthol et, depuis avril 2022, les produits sont vendus dans un conditionnement neutre. Sans parler de l’Amérique du Sud et de Asie, connues aussi pour leurs législations anti-vape.
Ce qu’en dit la science
L’OMS a beau avoir entre les mains moult études expliquant que les jeunes qui s’essaient à la vape ne deviennent pas pour autant des fumeurs, ou encore l’avis de professionnels révélant le rôle primordial de la e-cigarette dans le sevrage tabagique, rien n’y fait : l’OMS est et restera l’un des principaux détracteurs de la vape. Rien d’étonnant alors à ce qu’elle appelle à toujours plus de réglementations. Son éternel cheval de bataille : limiter le vapotage chez les jeunes. Pour ce faire, il s’agit, selon elle, de renforcer les lois contre la publicité, lutter contre le développement des ventes et du commerce illicite.
Pourtant les études expliquant les bienfaits de la vape ne manquent pas. Entre autres, une étude publiée en 2018 par l’OFDT, l’Observatoire français sur les drogues et toxicomanies, qui conclut que la vape réduirait les risques de fumer chez les jeunes. Plus récemment L’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, soulignait une réduction de 42% du risque de devenir fumeur à 18 ans chez ceux qui ont d’abord essayé le vapotage contrairement aux jeunes ayant consommé en premier lieu du tabac. Supprimer les arômes pour protéger les jeunes ne semble donc n’avoir aucun sens. Comme le suggère cette étude, réalisée dans la région de San Francisco, où une interdiction de vendre des e-liquides aromatisés, en vigueur depuis 2018, a montré une recrudescence significative du nombre de jeunes ayant fumé des cigarettes après l’instauration de cette mesure, alors que la tendance du tabagisme demeure à la baisse dans d’autres régions des États-Unis, là où les saveurs perdurent. Pire, en Italie, Riccardo Polosa, fondateur du Centre de recherche sur le tabac précise quant à lui que « la suppression des arômes n’aura pas d’incidence sur les taux d’utilisation d’une e-cigarette chez les jeunes. Mais cela réduira certainement le nombre d’options disponibles pour les adultes qui cherchent à arrêter de fumer pour de bon et trouvent les e-cigs aromatisées efficaces ».
Suppression des arômes et plan cancer Européen en danger
Selon la cancérologue Véronique Trillet-Lenoir, “la suppression des arômes desservirait la lutte contre le cancer”, comme le confirme l’enquête ETHRA de 2020, réalisée dans les pays européens subissant cette interdiction : 19,4% de leurs vapoteurs se sont tournés vers le marché noir et ses e-liquides non sécurisés. Le Addictive Behaviors Journal a également révélé les résultats inquiétants de l’enquête 2020 de l’ITC sur le tabagisme et le vapotage au Canada, en Angleterre et aux États-Unis, qui conclut que restreindre l’accès aux e-liquides nicotinés aromatisés conduirait 17,1 % des vapoteurs à reprendre la cigarette et 28,3% des utilisateurs à se tourner vers le marché noir.
Comment ne pas prendre en compte l’idée que la vape sauve des vies et permet une baisse des maladies liées au tabac ? En effet, dans leur approche, les Pays-Bas semblent oublier une donnée importante : c’est bien la cigarette qui demeure l’ennemi à vaincre et tout ce qui peut réduire les dommages causés par la combustion du tabac devrait être valorisé. D’autant que les études sont sans équivoque et montrent que la très grande majorité des vapoteurs sont des fumeurs ou ex-fumeurs, et que seulement moins de 1 % de vapoteurs réguliers n’ont jamais fumé. De quoi envisager la cigarette électronique pour ce qu’elle est : un formidable outil de sevrage tabagique.
Si les arômes sont l’un des principaux attraits de la vape, les Pays-Bas balaient d’un revers de manche l’aide qu’elle procure aux fumeurs en les interdisant. Et oublient que la vape a fortement contribué à la baisse du tabagisme dans le monde. Pourtant, ils ne sont pas les premiers à prendre cette mesure, et certainement pas les derniers. Affaire à suivre.