Difficile, désormais, de vapoter librement en Australie. En mai 2023, l’Australie a dévoilé de nouvelles mesures d’interdiction de vapoter, sous couvert de protection de la jeunesse. Résultat : le marché noir est en plein essor, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Un changement drastique de politique sur la vape s’impose, alerte le docteur Colin Mendelsohn …
Nouvelles interdictions de vapoter en Australie
En matière de régulation de la vape, l’Australie a toujours été l’un des pays les plus sévères. « Protéger les Australiens, en particulier les jeunes, des méfaits du vapotage et de la dépendance à la nicotine », telle est la devise historiquement brandie par le gouvernement, qui enchaîne ainsi les mesures répressives à l’encontre des cigarettes électroniques.
Depuis 1989, le pays considère en effet la nicotine comme un « poison dangereux » de catégorie 7. Aussi, à l’arrivée de la vape, il était déjà impossible pour un Australien de se procurer un e-liquide nicotiné sur le territoire. Résultat : les consommateurs se sont tournés vers l’importation, pour contourner cette restriction.
En 2020, le gouvernement avait déjà tenté d’interdire toute importation de produits nicotinés dans le pays. En vain. Face aux réticences de nombreux députés et sénateurs, la mesure avait dû être reportée. L’année suivante, il s’essayait ainsi à une autre stratégie, rendant la vape nicotinée uniquement accessible sur ordonnance, en pharmacie.
En mai 2023, c’était au tour du nouveau gouvernement de s’essayer à plus de fermeté. Au programme : bannir la vape « récréative », en la passant uniquement sous monopole pharmaceutique, en interdisant notamment les cigarettes électroniques jetables « puffs » et les importations, ou encore en limitant les arômes.
Et, cette fois, les nouvelles mesures antivapes de l’Australie ont abouti.
Australie : un marché noir en plein essor
Malheureusement, de telles décisions ne sont pas sans conséquence. Comme bien des pays avant lui, l’Australie fait désormais les frais de sa politique répressive contre la vape.
En trois ans seulement, le tabagisme chez les jeunes a explosé. De 4,8 % en 2020, il est passé à 12,8 % en 2023.
Plus encore, cela a conduit 90 % des 1,7 million de vapoteurs adultes que compte l’Australie à abandonner les voies légales pour se diriger vers le marché noir.
Un véritable désastre pour le docteur Colin Mendelsohn, président et fondateur de l’Australian Tobacco Harm Reduction (ATHRA), qui a récemment signé une tribune dans le magazine Filter (1).
« La position anti-vape stricte de l’Australie a, par inadvertance, mais comme on pouvait s’y attendre, nourri une économie souterraine florissante, avec des ramifications faisant écho aux leçons des interdictions de drogues du XXe siècle », déplore-t-il sur Filter ce 13 février 2024.
Désormais, des produits non réglementés en tout genre abondent sur le marché noir, et les réseaux de trafic organisés se font de plus en plus nombreux.
En plus d’exposer les consommateurs à des risques sanitaires accrus, l’Australie voit naitre de véritables guerres de territoire. Car la vente de vapes illicites est une denrée très rentable pour les entreprises illégales : « une vapoteuse jetable peut être achetée en Chine pour seulement 3 AU$, puis revendue en Australie pour 35 AU$ », indique le Dr Mendelsohn.
La problématique est devenue telle que même le chef de l’Australian Border Force (ABF) a alerté le gouvernement sur l’incapacité de sa brigade à protéger ce vaste littoral du commerce illégitime. Face au manque d’effectifs et de ressources, le marché noir a ainsi tout le loisir de prospérer en Australie.
Aux dangers de l’interdiction, quelles solutions ?
Pourtant, l’Australie connait déjà bien les effets pervers qu’engendre une telle approche prohibitionniste. Drogues, tabac, à chaque fois que le gouvernement a misé sur la répression, de dangereux contournements lui ont succédé.
Pour Colin Mendelsohn, « l’incapacité de l’Australie à tirer les leçons des précédents historiques suggère un mépris déconcertant pour l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes ».
D’autant que l’opinion publique est loin de partager ses positions antivapotage. D’après une enquête récente, 88 % des Australiens se disent plutôt favorables à une réglementation plus souple des produits du vapotage.
Le docteur Mendelsohn espère qu’ainsi, ce sentiment public croissant incitera les législateurs à reconsidérer leur position actuelle. « La seule façon de réduire considérablement un marché illicite est de le remplacer par un marché légal et réglementé, avec des produits vendus dans des points de vente agréés et soutenus par un contrôle de qualité comme une vérification de l’âge », explique-t-il.
De ces récents événements en Australie, le Dr Colin Mendelsohn appelle donc chaque gouvernement à en tirer une leçon : l’interdiction n’empêche pas la consommation, mais pousse plutôt à la clandestinité, avec tous les dangers que cela implique…
« En plus d’être une dure leçon pour les régulateurs australiens, cela devrait également servir d’avertissement aux autres pays qui envisagent leurs propres politiques en matière de vape », conclut-il sur Filter.
Sources :
(1) Colin Mendelsohn, Australia’s Vape Prohibition Replicates Drug-Car Disasters, Filter, 13 février 2024. URL : https://filtermag.org/australia-vape-prohibition-drug-war/
