Après avoir fait trembler les gouvernements du monde entier, c’est au tour du Royaume-Uni de se pencher sur la problématique du vapotage chez les jeunes. Une affaire pour le moins délicate pour le pays, qui compte toujours sur la vape pour l’aider à sortir les adultes fumeurs du tabagisme, comme elle le fait brillamment depuis des années déjà.
La tension est palpable, car ici, c’est la place même de la vape qui est sujette à réflexion. Explication.
La place de la vape auprès des jeunes : un sujet de grande inquiétude pour le Royaume-Uni
D’après les dernières statistiques nationales, recueillies par le National Health Service (NHS) en 2021 (1), le tabagisme chez les jeunes est en chute constante au Royaume-Uni. Le pays compterait désormais 12 % d’expérimentateurs de cigarettes, 3 % de fumeurs actuels, dont 1 % de fumeurs réguliers, contre 16 %, 5 % et 2 % en 2018.
Parallèlement, le vapotage chez les jeunes, lui, serait en nette augmentation, si l’on en croit l’enquête menée par l’Action on Smoking Health (ASH) en 2023 (2). 20,5 % des mineurs âgés de 11 à 17 ans auraient déjà expérimenté la e-cigarette, contre 15,8 % en 2022, et 3,7 % seraient des utilisateurs dits réguliers (plus d’une fois par semaine), contre 3,1 % en 2022.
Face à cette situation, le ministère de la Santé et des Affaires sociales (DHSC) a transmis, en octobre 2023, ses recommandations au Parlement britannique, l’invitant à renforcer la protection des futures générations contre les méfaits du tabagisme, via une loi d’interdiction générationnelle du tabac notamment, mais aussi à réprimer le vapotage chez les jeunes par différentes mesures.
Dans ce document, intitulé « Arrêter le départ : notre nouveau plan pour créer une génération sans tabac » (2), le DHSC s’est ainsi dit inquiet de « l’essor du vapotage chez les jeunes », notamment au niveau de la dépendance nicotinique que ces produits pourraient engendrer et des « effets néfastes à long terme sur la santé des colorants et des arômes ».
Il en appelle donc le gouvernement à engager un travail de réflexion sur :
- La restriction des saveurs ;
- L’encadrement plus drastique des présentoirs dans les points de vente ;
- La révision des réglementations sur l’emballage et la présentation des produits du vapotage ;
- La restriction des cigarettes électroniques jetables ;
- L’extension de ces réglementations aux produits du vapotage sans nicotine.
Soit des mesures très proches de celles contenues dans le prochain plan antitabac français (PNLT 2023-2027)…
La place de la vape auprès des fumeurs adultes : un sujet capital, toujours d’actualité
Avant de devenir complètement défaitistes, qu’on se rassure un peu. Plusieurs points majeurs distinguent toujours nos deux pays : le Royaume-Uni a d’abord choisi de soumettre ces propositions à une consultation publique (3). Clôturée ce 6 décembre 2023, l’on est désormais dans l’attente des résultats.
Mais surtout, avec 6,4 millions de fumeurs seulement, soit une prévalence tabagique descendue à 12,9 % depuis que le pays fait la promotion du vapotage, le ministère de la Santé en reste persuadé : la vape est un outil crucial de réduction des risques et d’aide à l’arrêt chez les fumeurs adultes en sevrage.
« Des preuves récentes montrent que, pour de nombreux fumeurs adultes, les vapes sont un outil efficace d’aide à l’arrêt du tabac […] jusqu’à deux fois plus efficaces que les thérapies de remplacement de la nicotine autorisées disponibles, pour un cinquième du coût […] Les effets indésirables liés aux vapes sont rares, aussi rares que ceux liés aux thérapies de remplacement de la nicotine […] Garantir que les vapes continuent d’être mises à la disposition des fumeurs actuels est essentiel pour réduire les taux de tabagisme », peut-on lire dans le rapport du DHSC.
Aussi, le ministère de la Santé du Royaume-Uni confirme-t-il vouloir un juste équilibre entre protection des jeunes et accompagnement des fumeurs adultes.
« Pour éviter des conséquences imprévues sur le taux de tabagisme chez les jeunes et les adultes, la portée des restrictions devra être soigneusement examinée », indique-t-il, précisant qu’« il existe des preuves que les produits du vapotage aromatisés peuvent aider à arrêter de fumer » et que « les arômes peuvent également encourager une utilisation quotidienne chez les fumeurs qui n’avaient pas pour intention première d’arrêter ».
Royaume-Uni : vers un usage uniquement médicinal de la vape ?
Distinguant un « mauvais » vapotage (celui dit « récréatif », chez les mineurs et les non-fumeurs) d’un « bon » vapotage (celui qu’il appelle « médicinal », pour aider les adultes fumeurs à arrêter), le ministère de la Santé et des Affaires sociales (DHSC) en appelle à renforcer cette seconde voie – déjà bien engagée et soutenue par des campagnes comme « Swap to stop » (« échanger pour arrêter ») ou encore par celle menée par la London Tobacco Alliance à destination des professionnels de santé.
Dans son rapport d’octobre, le DHSC indique que la MHRA (l’agence de régulation britannique) serait même « prête à soutenir un futur produit de vapotage sous licence médicale si l’industrie lui présente un bon candidat », avant d’ajouter : « la MHRA continue de fournir des conseils techniques et scientifiques aux entreprises intéressées par le développement de vapes médicinales ». Souhaite-t-elle renforcer le pouvoir de l’industrie pharmaceutique, ou simplement donner l’occasion à l’industrie de la vape de lui fournir des dispositifs reconnus par l’État ? Aucune précision n’est apportée.
En définitive, si le ministère de la Santé déclare souhaiter emboîter le pas aux autres pays en matière de législation du vapotage chez les jeunes, il ne semble pas complètement arrêté sur ses positions. Contrairement aux autres pays, il fait preuve de nuance et veille à prendre en considération toutes les données.
De même, lorsqu’il s’agit de sevrage tabagique, il n’oublie pas de réaffirmer son intention de s’inscrire à contre-courant des réglementations européennes, dont il déplore qu’elles « ne soutiennent pas l’objectif du gouvernement de promouvoir les vapes comme aide à l’arrêt du tabac pour les fumeurs adultes ». Ces dernières semblent effectivement préférer se plier aux recommandations plus que douteuses de l’OMS !
La consultation terminée, « le gouvernement entend présenter une législation dès que le calendrier parlementaire le permettra », précise le DHSC dans son rapport. Aussi, espérons-la à la hauteur de ce dont nous a habitués le pays : juste et appuyée par des données fiables et étayées sur la vape. À l’inverse de la France !
Sources :
(1) Statistiques nationales du « Tabagisme, consommation d’alcool et de drogues chez les jeunes en Angleterre, 2021 », National Health Service (NHS), 6 septembre 2022. URL : https://digital.nhs.uk/data-and-information/publications/statistical/smoking-drinking-and-drug-use-among-young-people-in-england/2021
(2) Enquête vape et jeunes, « Utilisation de cigarettes électroniques (vapes) chez les jeunes en Grande-Bretagne », Action on Smoking Health (ASH), juin 2023. URL : https://ash.org.uk/resources/view/use-of-e-cigarettes-among-young-people-in-great-britain
(3) Recommandations du ministère de la Santé et des Affaires sociales, « Arrêter le départ : notre nouveau plan pour créer une génération sans tabac », site officiel du gouvernement britannique, 8 novembre 2023. URL : https://www.gov.uk/government/publications/stopping-the-start-our-new-plan-to-create-a-smokefree-generation/stopping-the-start-our-new-plan-to-create-a-smokefree-generation (4) Détail de la consultation publique [clôturée au 6 décembre 2023], « Créer une génération sans tabac et lutter contre le vapotage chez les jeunes : votre point de vue », Ministère de la Santé et des Affaires sociales, site officiel du gouvernement britannique. URL : https://www.gov.uk/government/consultations/creating-a-smokefree-generation-and-tackling-youth-vaping/creating-a-smokefree-generation-and-tackling-youth-vaping-your-views