Si l’e-cigarette traverse une tempête sans précédent aux États-Unis, la situation semble beaucoup plus sereine en France.
L’ensemble des institutions françaises semblent accueillir favorablement la vape comme un moyen de sevrage tabagique efficace. Nous vous proposons un tour d’horizon des positions ou avis pris par chacune des instances intervenant dans le processus législatif ou réglementaire autour de la cigarette électronique.
Le Ministère
Au mois de juin 2018, dans une interview accordée à Europe 1, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, reconnaissait que même si “Nous ne connaissons pas très bien la toxicité de la cigarette électronique à long terme, mais c’est clairement moins toxique que le tabac.”
Tout récemment, dans une interview accordée à RTL le 22 septembre 2019, la ministre a précisé que la législation en France ne permettait pas de provoquer la crise que traverse la e-cigarette aux États-Unis, “Nous avons pris les mêmes mesures pour les cigarettes : elle est interdite à la vente aux moins de 18 ans. Il est interdit de vapoter dans les mêmes lieux où il est interdit de fumer.”
Elle s’est montrée assez ferme sur une éventuelle législation sur les arômes, “ce n’est pas dans les tuyaux”, mais a précisé avoir demandé la création d’un observatoire de veille sanitaire relatif à d’éventuelles apparitions de cas similaires à ceux constatés aux États-Unis.
Toutefois, lorsqu’elle évoque le fait que cet observatoire soit chargé d’une “pharamacovigilance”, elle avance, de façon quelque peu troublante, que l’e-cigarette “n’est pas un médicament, mais c’est tout comme”. Plus loin, elle ajoute que selon les résultats de cette observation, il sera éventuellement envisagé de modifier la législation et de conclure que “comme tout médicament ou produit, si on peut éviter d’en consommer à long terme, il peut y avoir des effets secondaires”.
La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale
Le député LREM Olivier Véran médecin et rapporteur de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale, a accordé une interview au JDD parue le 22 septembre 2019. Selon lui, “interdire le vapotage n’aurait aucun sens.”
Il précise ensuite que “Les études qui sortent plaident pour une bien moindre toxicité du vapotage que la cigarette. Et certains rapports relèvent même le fait que le vapotage permet une sortie du tabac. Ce n’est bien sûr pas dénué de risques : la nicotine est présente dans une partie des liquides commercialisés et la présence de particules fines qui atterrissent dans les poumons persiste. Mais les e-cigarettes ne sont pas une voie d’entrée dans la dépendance de la nicotine. Au contraire, la plupart des gens qui vapotent cherchent à arrêter de fumer du tabac.”
Concernant le situation aux États-Unis, il regrette qu’ “on mélange tout. Les récents décès à la suite de maladies pulmonaires aux États-Unis. ne sont pas liés à des vapotages de e-liquide à base de nicotine, mais à base d’huile de THC. Et vapoter de l’huile, c’est très bête, car le poumon a horreur de l’huile. Les parois des alvéoles pulmonaires sont en effet imprégnées d’eau et d’air qui permettent les échanges gazeux avec le sang. L’huile tapisse ces parois empêchant le poumon de fonctionner normalement. C’est donc un mésusage des cigarettes électroniques qui entraîne les risques sanitaires vus aux États-Unis. En France, le vapotage est mieux encadré et sécurisé qu’aux États-Unis.”
Il poursuit, “On parle beaucoup des pays qui interdisent le vapotage, mais au Royaume-Uni, sous l’impulsion des autorités sanitaires, il a été promu comme un outil de sevrage au tabac. C’est pour ça que j’estime qu’interdire le vapotage n’aurait aucun sens.”
Il prédit même que “le vapotage sera considéré comme un outil de sevrage du tabac et ira de pair avec un remboursement.”
L’agence nationale Santé publique France
L’agence nationale Santé publique France, chargée de la veille sanitaire de la population française par le Ministère de la Santé, a reconnu le vapotage comme un possible outil de sevrage du tabac.
Selon une étude publiée en juin 2019 par cette agence, en trois ans, la part de fumeurs quotidiens a été divisée par deux chez les utilisateurs d’e-cigarette, tandis que le nombre d’anciens fumeurs a doublé. Quant aux «vapofumeurs», les vapoteurs encore fumeurs, ils sont 80% à avoir réduit leur consommation de cigarettes. Ils allument désormais 9 cigarettes par jour en moyenne, contre un paquet avant leur diminution.
L’agence nationale Santé publique France estime tout de même à 700 000 le nombre de fumeurs qui auraient arrêté le tabac grâce à la cigarette électronique.
L’ANSES
Roger Genet, directeur général de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) est intervenu sur l’antenne de France Info TV, le 23 septembre 2019.
Selon lui, “le vapotage offre aujourd’hui une alternative qui est plus sûre que la tabac”.
Il ajoute même qu'”en France, pour les produits qui sont autorisés, et qui ne sont pas importés frauduleusement, il n’y a pas de problème sanitaire. En Europe, il y a un système de déclaration qui fait que les fabricants sont obligés de déclarer la composition intégrale de leurs produits;”
La position des représentants de la société civile
Le CESE (Comité Économique, Social et Environnemental), organisme consultatif du pouvoir législatif, composés de représentants du patronat, des syndicats et d’associations, a publié en janvier 2019 un rapport sur les addictions au tabac et à l’alcool.
Dans ce rapport, cet organisme préconise de “Positionner la cigarette électronique avec ou sans nicotine parmi les autres dispositifs de sevrage tabagique : l’intégrer dans le discours de prévention des addictions ; former les professionnels et professionnelles de la santé à l’accompagnement qu’elle implique (comme tout dispositif de réduction des risques) ; en exclure les industries du tabac.” Le CESE ajoute même que “le régime de taxation de la cigarette électronique et la réglementation de sa publicité, identiques dans leurs effets à ceux du tabac, freinent son utilisation comme outil de sevrage.”
Nico La Rouste
Merci Dee Garp pour cet excellent état des lieux !
Même si on est encore loin du Royaume-uni, on voit que les mentalités commencent à changer. En esperant que ça ne finissent pas par un changement de statut en “produit pharmaceutique”…