Lundi 18 novembre 2024, les résultats tant attendus de l’étude VERITAS sur les effets du vapotage chez les non-fumeurs ont enfin été dévoilés. De quoi faire taire certaines rumeurs et rassurer encore sur le moindre risque que représente la vape pour la santé, puisqu’aucun lien de causalité entre l’utilisation de la cigarette électronique et l’augmentation de problèmes respiratoires n’a été établi. Explications.
Une étude inédite, axée sur des vapoteurs sans antécédents de tabagisme
Si on sait aujourd’hui le vapotage particulièrement efficace pour arrêter la cigarette – à travers les études de l’université londonienne Queen Mary, du Fonds National Suisse ou encore de l’Institut Cochrane – mais également infiniment moins risqué que le tabagisme (à 95 % au moins d’après les rapports annuels britanniques), on connait toujours peu ses effets sur des personnes n’ayant jamais fumé.
Comme le rapportent les chercheurs de l’étude VERITAS, « des inquiétudes ont été soulevées quant aux risques sanitaires des CE [cigarettes électroniques], plusieurs articles faisant état de taux plus élevés de problèmes respiratoires chez les personnes qui utilisent des CE que parmi les non-utilisateurs ».
« Cependant, ajoutent-ils, étant donné que la majorité des adultes qui utilisent des CE fument ou ont fumé autrefois, cette association est au moins en partie confondue avec les antécédents de tabagisme ».
C’est pourquoi l’étude VERITAS, publiée le 18 novembre 2024 dans la revue Scientific Reports [1], s’est proposée d’examiner uniquement les effets du vapotage, en s’intéressant aux vapoteurs sans antécédents de tabagisme : soit aux non-fumeurs.
MÉTHODOLOGIE D’ENQUÊTE
Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont recruté près de 750 participants (748 exactement), tous âgés de 18 ans ou plus. Plus précisément :
- 491 vapoteurs respectant les trois critères d’éligibilité de l’étude (c’est-à-dire a) être utilisateur de vape, b) n’avoir jamais fumé, ou moins de 100 cigarettes au cours de sa vie, et c) ne pas utiliser d’autres produits du tabac ou de la nicotine plus d’une fois par semaine). Tous ont été regroupés dans la première cohorte : celle des “Vapers” ;
- 257 non-fumeurs et non-vapoteurs partageant les deux derniers critères d’éligibilité de la cohorte des vapoteurs (b et c). Ces derniers ont formé la cohorte “témoin” : celle des “Controls”.
Pour commencer, chaque membre du groupe des vapoteurs a été interrogé en détail sur la relation qu’il entretenait avec la cigarette électronique : les types de produits utilisés, l’âge à la première utilisation, la fréquence et la durée d’utilisation, la teneur en nicotine des produits utilisés, les catégories de saveurs choisies, jusqu’au nom exact de la saveur préférée et les raisons pour lesquelles il a commencé – mais aussi continue – à vapoter.
Il a ensuite été demandé à tous les participants, non-fumeurs et non-vapoteurs compris, d’évaluer leurs capacités respiratoires d’après 5 symptômes :
- Toux matinale avec mucosités ou mucus ;
- Toux fréquentes tout au long de la journée ;
- Essoufflements rendant difficile la réalisation d’activités quotidiennes normales ;
- Essoufflements rapides au cours d’activités quotidiennes normales ;
- Respiration sifflante ou sifflement dans la poitrine en dehors de toute activité physique.
L’évaluation de chaque symptôme a été effectuée sur une échelle de 1 à 5 : 1 = Jamais ; 2 = Rarement ; 3 = Occasionnellement ; 4 = La plupart du temps ; 5 = Tous les jours.
Pour mesurer les effets du vapotage chez ces utilisateurs non-fumeurs à l’origine, les chercheurs ont alors comparé les auto-évaluations des deux cohortes, en prenant en compte les différences démographiques existantes (âge, sexe, éducation et situation professionnelle).
Parallèlement, ils ont également examiné en détail les réponses au questionnaire portant sur les habitudes d’utilisation de la cigarette électronique au sein de la cohorte des vapoteurs.
En voici les principaux résultats, par section :
(cliquez pour accéder plus rapidement à la partie qui vous intéresse)
Caractéristiques démographiques des enquêtés
Dans l’étude VERITAS, la majorité des répondants se sont situés dans la tranche d’âge 25-44 ans. Avec une dominance d’hommes dans le groupe des vapoteurs (54 %). Globalement, plus de la moitié ont déclaré un travail à temps plein et un niveau de diplômes équivalent ou supérieur au Baccalauréat.
Habitudes de vapotage
Interrogés sur leurs habitudes de vapotage, les vapoteurs ont été nombreux à déclarer utiliser des cigarettes électroniques jetables (plus de 60 %). Le choix d’appareils rechargeables arrivant ensuite (un peu moins de 30 %), et en dernier lieu, les appareils à dosettes/cartouches (un peu moins de 15 %).
Chez les utilisateurs de puffs, le vapotage semble peu fréquent : en moyenne, 4 puffs ou moins par mois. Même chose chez les utilisateurs de pods pré-remplis, avec une tendance à 3 recharges ou moins par mois. Et chez les utilisateurs de matériels rechargeables, qui ont majoritairement évalué leur consommation de e-liquide à moins de 120 ml par mois.
Concernant l’âge de la première utilisation d’une e-cigarette, tous le situent globalement entre 18 et 24 ans.
76 % des vapoteurs de puffs ont déclaré avoir commencé entre 18 et 24 ans, 18,2 % après 25 ans et 5,8 % avant 18 ans. Côté pods pré-remplis, 64,7 % des utilisateurs ont évalué leurs débuts entre 18 et 24 ans également, contre 29,4 % après 25 ans et 5,9 % avant leurs 18 ans. Enfin, même tendance côté vape rechargeable : 50,3 % ont dit avoir commencé entre 18 et 24 ans, 37,8 % après 25 ans et 10,5 % avant 18 ans.
En moyenne, tous sont vapoteurs depuis moins de 5 ans.
Le plus souvent, il s’agit de vapoteuses avec nicotine ; seule une petite trentaine d’entre eux ont déclaré vapoter exclusivement sans nicotine.
Côté saveurs, l’écrasante majorité des vapoteurs ont confié choisir des goûts fruités ou mentholés. Des fruits tropicaux en priorité pour les utilisateurs de puffs (56,5 %) et de cigarette électronique rechargeable (50,3 %) ; Et des goûts fruits rouges et baies chez les utilisateurs de pods pré-remplis (41,2 %).
Effets du vapotage chez les non-fumeurs : symptômes respiratoires
En comparant les auto-évaluations respiratoires des deux groupes (“Vapers” et “Controls”), les chercheurs n’ont pas relevé de différences significatives entre un vapoteur non-fumeur et un non-vapoteur et non-fumeur.
Comme le groupe témoin, le groupe des vapoteurs a déclaré en grande majorité ne jamais ressentir, ou très rarement, chacun des 5 symptômes décrits.
Soit :
- Jamais ou très rarement de toux matinale
89,2 % chez les vapoteurs contre 93,7 % chez les non-vapoteurs ; - Jamais ou très rarement de toux dans la journée
89,4 % chez les vapoteurs contre 94,2 % chez les non-vapoteurs ; - Jamais ou très rarement d’essoufflements rendant difficile la réalisation d’activités quotidiennes normales
87,2 % chez les vapoteurs contre 91,5 % chez les non-vapoteurs ; - Jamais ou très rarement d’essoufflements rapides au cours d’activités quotidiennes normales
90,9 % chez les vapoteurs contre 92,6 % chez les non-vapoteurs ; - Jamais ou très rarement une respiration sifflante ou un sifflement dans la poitrine en dehors de toute activité physique
93,1 % chez les vapoteurs contre 97,3 % chez les non-vapoteurs.
Pour les chercheurs, l’étude VERITAS s’inscrit donc dans la continuité d’autres études antérieures, qui avaient déjà signalé l’absence de symptômes respiratoires ou de changements significatifs dans la fonction pulmonaire chez des vapoteurs non anciennement fumeurs [2]. Et prouve, une nouvelle fois, que le vapotage chez les non-fumeurs n’a pas pour conséquence tous ces effets néfastes qu’aiment lui attribuer de nombreuses études.
« En se concentrant sur les utilisateurs de cigarette électronique sans antécédents de tabagisme établi ou récent, la présente étude fournit ainsi de nouvelles preuves que l’utilisation de la cigarette électronique en l’absence d’antécédents de tabagisme n’est pas associée à une augmentation cliniquement significative de la fréquence des symptômes respiratoires
[…]Ces résultats mettent également en lumière l’ambiguïté des recherches antérieures : il est très probable que les différences et maladies respiratoires signalées dans des études antérieures soient attribuables à une confusion significative due aux effets non mesurés ou incontrôlés des antécédents de tabagisme des individus »
– Étude VERITAS, novembre 2024
Notes
[1] Goicoechea, J.Z., Boughner, A., Lee, J.J.C. et al. Respiratory symptoms among e-cigarette users without an established smoking history in the VERITAS cohort. Sci Rep 14, 28549 (2024).
https://doi.org/10.1038/s41598-024-80221-8
[2] Voir notamment : Polosa, R. et al. Health impact of E-cigarettes: A prospective 35-year study of regular daily users who have never smoked. Sci. Rep. 7, 13825 (2017). https://doi.org/10.1038/s41598-017-14043-2