Cher parent, vous avez découvert que votre progéniture vapotait et sa e-cigarette vous est restée coincée en travers de la gorge ?! Certes, on préférerait tous que notre ado récite “Les Fleurs du Mal” l’air inspiré plutôt qu’il déclame le nom de tous les e-liquides existants… Mais le débat est ailleurs : En effet, qu’en est-il réellement des jeunes et la vape ? Et comment réagir en tant que parents si son ado vape ? Détendez-vous, on vous dit tout !
Article tiré du Magazine Oneshot #11, par Sandra Bismuth.
Mon ado vape… Est-ce qu’il finira fumeur ?
Depuis 2014 et la loi Hamon, la vente de produits issus de la vape (comme du tabac) aux moins de 18 ans est illégale. Si l’on ne peut que déplorer que leur accès reste pourtant possible, on sait aussi que c’est le propre de l’adolescence de transgresser les règles… Mais cela fera-t-il forcément de votre enfant un fumeur invétéré ? L’“effet passerelle”, théorie selon laquelle les jeunes vapoteurs deviendraient des fumeurs, persiste, même si bon nombre de spécialistes affirment que la vape n’est pas une porte d’entrée vers le tabagisme. Dans les pays où la vape est démocratisée, on note même une chute du tabagisme chez les adolescents ! Pour le pneumologue Dautzenberg, “la vape est surtout en concurrence avec le tabac et l’effet passerelle est plus une crainte qu’un fait”. De la même façon, dans les pays où la vape est moins présente, le tabagisme adolescent devrait en toute logique être plus bas… Mais il n’en est rien ! Une étude de l’INSERM de 2020, concernant les 17-18 ans, conclut que vapoter ne conduit pas à fumer, 81% des adolescents primo vapoteurs n’étant pas fumeurs à leur majorité. On constate même une réduction de 42% du risque d’être fumeur à 18 ans chez les jeunes ayant commencé par vapoter. Quant à l’étude concernant la vape et le tabac menée par l’Observatoire Français, elle souligne un désintérêt des jeunes pour le tabac comme pour la vape. Ceux-ci considèrent d’ailleurs la e-cigarette comme un mode de sevrage tabagique : La vape est ainsi une alternative au tabagisme, non une cause ! Et nos voisins arrivent aux mêmes conclusions : A Genève, le Professeur Etter indique une augmentation de la vape chez les jeunes et une baisse du tabagisme. En Ecosse, 13% des jeunes de 15 ans étaient concernés par le tabac lorsque la vape apparaît en 2010. En 2015, ils ne sont plus que 7%. Lors du Sommet sur la réduction des méfaits du tabac en Espagne, Linda Bauld, de Cancer Research UK, affirme que “Le tabagisme chez les jeunes baisse à un rythme encourageant. Si le vapotage provoquait le tabagisme, ces tendances s’inverseraient”. Quant au National Youth Tobacco Survey, il conclut que vapotage ne rime pas obligatoirement avec nicotine. Les e-cigarettes sans nicotine remplacent le tabac et, s’il y a un effet passerelle, il est plutôt dans le sens de la cigarette vers le vapotage.
Est-ce-que mon enfant vapote à cause des arômes des e-liquides ?
Visant à interdire les arômes des e-liquides à l’exception du goût tabac, cette réglementation, qui touche de plus en plus de pays, comme la Finlande, la Hongrie et prochainement la Suède, a pour objectif de ne pas inciter les jeunes à vaper. Pourtant, une étude américaine publiée en mai 2021 démontre que cette interdiction, instaurée dans plusieurs villes et états américains, a déjà engendré une augmentation du tabagisme chez les jeunes… Bon nombre de médecins et autres défenseurs de la vape ont ainsi exprimé leur mécontentement, déplorant que cette interdiction signe un retour potentiel au tabac. En effet, privés des arômes, les utilisateurs de cigarettes électroniques, quel que soit leur âge, éprouvent moins de plaisir à vaper… et peuvent ainsi être davantage tentés de se tourner vers le tabac.
Pourquoi les jeunes sont-ils attirés par la vape ?
Parue dans Public Health Nursing, une étude justifie l’engouement des jeunes coréens du sud pour la vape par la plus grande facilité à se procurer des e-cigarettes que du tabac, sans compter que ce dernier leur apparaît en comparaison comme trop nocif. L’étude rapporte en outre que les utilisateurs fréquents sont exposés à un tabagisme passif dans leur cercle proche. En somme, il semblerait bien que les ados qui vapent régulièrement sont influencés par des facteurs interpersonnels et environnementaux. Quant au Center for Disease Control and Prevention (CDC), il indique que la curiosité est, à 55,3%, la première cause de vapotage chez les jeunes. À 30,8%, l’adolescent est influencé par un adulte proche et lui-même vapoteur. Selon 86,3% des élèves, la “curiosité” est accentuée par les campagnes anti-vapotage à l’école, sur les réseaux sociaux, à la télévision… qui les motivent à priori à braver l’interdit… On vous accorde que ce dernier argument fait grincer des dents…
Et en tant que parent, on réagit comment si son ado vape ?
Nous, on aurait tendance à vous répondre “comme vous pouvez”… Mais heureusement, des professionnels sont là pour vous aiguiller ! Si, dans l’idéal, nous souhaiterions que nos enfants ne consomment ni cigarette électronique ni tabac, rappelons-nous que l’adolescence est une période particulière, où l’on cherche à faire ses propres expériences, tester ses limites et se forger une opinion… Bien souvent différente de celle des parents, c’est tout le concept ! Ainsi, dans toute la liste d’interdits que vos enfants vont gentiment envoyer valser, se trouvera peut-être celle de la cigarette électronique… La colère passée, gardez à l’esprit que le tabac tue chaque année en France entre 73 000 et 78 000 personnes, et que la vape s’attèle à sauver des vies…
– “Mieux vaut donc vaper que fumer”… Et ça, ce n’est pas nous qui le disons, mais bien le Professeur Dautzenberg. Craignant dans un premier temps, en lançant son étude annuelle Paris Sans Tabac auprès des jeunes lycéens, de découvrir que la vape avait engendré une hausse du nombre de fumeurs, il constate le contraire : Autrement dit, l’e-cigarette a éloigné les jeunes du tabac. Certes perçue par les lycéens comme plus moderne, mais aussi, à juste titre, moins nocive, elle renvoie le tabac à sa véritable nature, celle d’un produit malsain et dangereux.
Dialoguez ! Que votre enfant vous avoue avoir déjà essayé la vape ou même vapoter régulièrement, commencez par le remercier de sa franchise et prenez du recul comme le suggère John Rosemond, psychologue familial : “Quand il s’agit d’adolescents, les parents doivent accepter que la limite de leur influence et de leur confiance a diminué…”. Votre rôle est donc de fournir à votre enfant toutes les informations sur les risques de sa conduite et de discuter avec lui des bienfaits d’une vie saine et équilibrée. Si vous fumez ou vapotez, soyez honnête, ne vous cachez pas derrière de fausses excuses et parlez-lui de vos regrets, de votre expérience… Expliquez-lui ce qu’est la dépendance, qu’elle arrive plus vite qu’on ne pense, même si à son âge, on se pense invincible… et de la difficulté de se sevrer. Et surtout évitez la critique peu constructive et le côté donneur de leçon totalement contre-productif…
Surveillez son matériel : Pour le psychologue John Rosemond, la chose la plus inquiétante à propos de l’e-cigarette de votre ado est, dans l’immédiat, le risque d’explosion. Plus le matériel est bon marché plus il est probable qu’il y ait des dysfonctionnements et, dans le cas d’un adolescent, on parle certainement d’un modèle peu couteux, voire d’une contrefaçon… A moins qu’il ne s’agisse de la fameuse Puff, cette e-cigarette jetable au taux de nicotine variable qui, avec son packaging coloré et son goût fruité est bien connue de nos chères têtes blondes. Si, dans un communiqué paru ce jeudi 17 mars 2022, le ministère de la Santé se dit “attentif” aux problèmes liés à la Puff, et que d’autres, comme Amélie Eschenbrenner du Comité national contre le tabagisme (CNCT) souligne “qu’il peut y avoir un risque rapide d’addiction à la nicotine chez les plus jeunes », c’est aussi à nous, parents, d’être vigilants. Tout d’abord en vous renseignant auprès de votre enfant : Utilise-t-il ou non de la nicotine ?
Point nicotine : Les e-liquides n’en contiennent pas tous et leur teneur peut varier considérablement : Votre enfant vape-t-il ou non de la nicotine et si oui, à quel taux ? En effet, s’il est en réalité en sevrage tabagique, son taux de nicotine vapé doit être adapté à sa consommation de cigarettes et, s’il ne vape qu’occasionnellement, il n’a aucune raison de consommer des liquides nicotinés… Une fois encore, votre rôle de parent est d’écouter afin de conseiller au mieux. Le psychologue John Rosemond aime d’ailleurs à rappeler que la nicotine est “une addiction relativement bénigne”, et tente de nous détendre en précisant qu’elle est utilisée dans des traitements contre la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson et d’autres formes de dégénérescence neurologique pour ses effets positifs sur le fonctionnement cognitif, sur lequel elle agit comme une « vitamine pour le cerveau.”
Soufflez… Relativisez ! Là encore, John Rosemond se veut rassurant : “Si votre fils est déterminé à contourner votre interdiction, le monde ne prendra pas fin pour autant. Après tout, il aurait pu être entrainé par un groupe à boire de l’alcool, fumer de la marijuana ou consommer d’autres drogues illicites… Si vous ne voyez pas un changement alarmant dans son humeur ou son comportement, c’est qu’il n’est pas susceptible de consommer autre chose que du e-liquide nicotiné”. Et qui vous dit que votre progéniture n’envisage pas la vape comme un moyen pour arrêter de fumer ? Selon le tabacologue Philippe Presles, “ quand un jeune se met à fumer, il y a une période d’une année pendant laquelle il peut décrocher facilement. Il peut partir une semaine en vacances avec ses parents, ne pas fumer, sans que cela lui pose de problèmes. Et pendant cette période-là, il a le sentiment d’avoir la puissance, de pouvoir s’arrêter comme il veut. C’est après qu’il va se faire piéger.” Ainsi, pour notre tabacologue, la vape aidera le jeune fumeur à se débarrasser du tabac, “en lui procurant un plaisir similaire. Et régulièrement, après 6 mois de cigarettes électroniques, les ados en ont assez… et se débarrassent et du tabac et de la cigarette électronique.” La conviction de Presles est que la vape est une opportunité pour aider les jeunes à ne pas tomber dans les pièges du tabac. “Aujourd’hui, l’industrie du tabac fait un strike ; 40% des adolescents fument au bac. Je pense qu’avec la cigarette électronique, ils vont passer à 20% de fumeurs et 20% de vapoteurs. Et là, franchement, on aura gagné”.
Cher parent, continuez d’être vigilants sans pour autant dramatiser…Loin de faire l’apologie de la vape chez les jeunes, il convient tout de même de dédiaboliser l’e-cigarette et son impact sur un éventuel tabagisme, comme le rappelle le tabacologue Bertrand Dautzenberg : “un jeune qui démarre la e-cigarette a une chance sur six de devenir fumeur un an après, alors que celui qui commence par la cigarette sera fumeur dans un cas sur deux”. Et rappelez-vous que la communication est votre meilleure alliée. Restez présents, à l’écoute, sans interdire ou vous énerver… C’est encore le meilleur moyen d’arriver à vos fins !