La vape jugée au moins à 95 % moins nocive que le tabac, plus efficace que tous les substituts reconnus dans l’arrêt du tabac et sans effet passerelle… Malgré les conclusions d’organismes de renommée et la confiance que le gouvernement britannique continue de placer dans la vape pour sa lutte contre le tabagisme, les pneumologues hésitent toujours à promouvoir le vapotage auprès de leurs patients, faute de « suffisamment de preuves ».
Dans un article de septembre 2023, trois chercheurs anglais du Royal College of Physicians (RCP) ont analysé ces réticences, et leurs impacts sur la santé publique.
Les pneumologues anglais refusent de promouvoir la vape : le Royal College of Physicians mène l’enquête
Depuis la mise en place de politiques visant à réinformer et promouvoir la vape auprès des fumeurs adultes, le Pays de Galles a atteint le taux de prévalence tabagique le plus bas jamais enregistré dans le pays : 13 %. En Grande-Bretagne, la vape est reconnue comme un outil efficace d’aide à l’arrêt du tabac et, d’après la principale organisation antitabac de Grande-Bretagne, l’Action on smoking and health (ASH), elle est d’ailleurs utilisée par 76 % des fumeurs pour arrêter.
Pourtant, lors d’un récent débat dans la ville de Swansea, en début d’année 2023, les délégués du Centre britannique de recherche sur l’asthme ne se sont pas entendus pour reconnaitre le vapotage comme une alternative plus saine au tabagisme et une stratégie de santé publique à promouvoir.
Afin de déterminer si ces réticences ne provenaient que de ces consultants ou si elles reflétaient un point de vue clinique plus largement partagé, trois chercheurs du Royal College of Physicians (RCP) ont mené une enquête approfondie auprès des pneumologues du Pays de Galles.
Du 8 au 17 mai 2023, ils ont ainsi réuni les avis d’une cinquantaine de praticiens. Au total, 55 % des interrogés ont indiqué refuser de recommander le vapotage en tant qu’outil d’aide à l’arrêt du tabac.
Parmi eux, 80 % se sont dits préoccupés par les risques liés au vapotage et 55 % ont fait part de craintes quant à l’intérêt grandissant des jeunes pour la vape.
En définitive, seuls 49 % ont déclaré soutenir la position actuelle du RCP sur le vapotage, soit qu’il constitue une méthode efficace et plus sûre pour se sevrer du tabac.
Dans cet article scientifique d’opinion, les chercheurs du Royal College of Physicians ont ainsi souhaité rappeler les données probantes, rassemblées depuis plus de 15 ans sur la vape. Au regard des résultats du sondage, ils ont également tenté de mesurer les implications que les perceptions erronées des cliniciens sur le vapotage ont sur la santé publique.
Pour la majorité des médecins interrogés, les preuves sur la vape sont insuffisantes : le RCP répond
Comme 4 fumeurs britanniques sur 10 interrogés par l’ASH, plus de 5 pneumologues sur 10 demeurent perplexes face à la vape. Ainsi, tout comme l’organisation antitabac britannique, le Royal College of Physicians est venu briser certaines idées reçues.
À commencer par la plus grande : la vape n’est ni aussi dangereuse ni plus dangereuse que le tabac. On le sait depuis les années 1950, le tabagisme est incroyablement nocif pour la santé, indiquent les chercheurs, et hormis ce dernier, il n’existe aucun autre produit disponible légalement qui soit aussi mortel. Depuis 15 ans, les études toxicologiques sur la vapeur de e-cigarette continuent de démontrer des niveaux d’exposition infiniment moindres que ceux de la fumée de cigarette. Voilà pourquoi le gouvernement britannique réitère chaque année, depuis 8 ans, sa confiance en la vape, dont la réduction des risques est toujours estimée à 95 % au moins.
Plus encore, « les vapes (ou cigarettes électroniques) constituent le choix le plus populaire des consommateurs en matière d’aide au sevrage tabagique et elles sont efficaces » rappelle le RCP. Pour preuve, les trois auteurs du rapport renvoient notamment aux nombreuses études de la célèbre revue Cochrane, qui ont montré des taux d’abandon du tabac 50 % plus élevés avec la vape nicotinée qu’avec toutes les autres thérapies de substitution connues.
Enfin, ajoutent les chercheurs, les cigarettes électroniques restent l’alternative la plus plaisante et rentable pour accompagner les fumeurs. Leur composition, proche de la cigarette, mais sans les dangers de la combustion, permet aux ex-fumeurs de conserver certaines habitudes (dont la fumée simulée), mais aussi la nicotine (non cancérigène, rappelons-le), tout en profitant d’arômes divers et variés. Plaisir et sevrage semblent donc bel et bien être le combo gagnant qui a permis à des millions de fumeurs de sortir définitivement des méandres du tabac !
Pour la plupart des pneumologues, la vape reste un danger pour les jeunes : le RCP invite au débat dépassionné
Sur 55 % des interrogés refusant de recommander le vapotage en tant qu’outil d’aide à l’arrêt du tabac, plus de la moitié se sont dits inquiets de l’adoption du vapotage chez les jeunes. Un argument jugé trop « émotif » par le RCP, qui n’invite ni à un débat constructif ni à un juste équilibre.
Reprenant le point de vue du Dr Chris Witty, le Royal College of Physicians indique qu’effectivement, le marketing ne doit pas promouvoir la vape auprès des enfants. Les politiques gouvernementales doivent donc être ajustées en ce sens. Néanmoins, elles ne doivent pas pour autant pénaliser les fumeurs adultes en sevrage.
En outre, pour les auteurs de l’étude, il est important d’être réaliste : « Les adolescents expérimenteront beaucoup de choses qui ne sont pas bonnes pour leur santé ; la prise de risque et l’expérimentation font partie du processus pour devenir adulte ». Or, s’il faut bien entendu s’en préoccuper, il est désormais plus que prouvé que l’augmentation du vapotage chez les jeunes ne conduit à aucune recrudescence du tabagisme. D’après les données officielles, au Royaume-Uni, en 1982, 19 % des 11-15 ans étaient fumeurs. En 2021, seuls 3 % d’entre eux fument, alors qu’ils sont de plus en plus à expérimenter le vapotage. Le même constat a été établi en France, mais aussi aux États-Unis, où les lycéens sont plus de 10 fois moins à fumer en 2022 qu’en 1991, justement grâce à l’apparition de la cigarette électronique !
De plus, à l’idée que « le vapotage rend une toute nouvelle génération de jeunes accros à la nicotine », le RCP rappelle « l’absurdité » de cet argument, non étayé par de quelconques données. La science n’a de cesse de réfuter tous les fondements de la théorie de l’effet passerelle, n’en déplaise à ses adeptes qui aiment toujours à penser que vapoter conduit immanquablement à fumer…
Au regard des faits, le Royal College of Physicians rejoint ainsi les avis de nombreux organismes et chercheurs en concluant : « n’est-il pas préférable qu’ils [les jeunes] utilisent la vape, avec un profil de risque relativement faible, plutôt que le tabac, qui en tuera la moitié ? Nous devons réglementer et restreindre soigneusement la commercialisation et l’emballage pour éviter l’attrait des vapes auprès des jeunes, mais aller plus loin (interdire les arômes ou limiter la vente en tant que produits de consommation) serait une politique qui pourrait avoir des effets catastrophiques sur la santé publique en réduisant l’attrait et l’accès aux vapes pour les adultes qui ont désespérément besoin d’une alternative pour les aider à arrêter de fumer. »
Les pneumologues anglais contre la vape : un débat moins clinique que moral pour le RCP
Pour les auteurs, les idées reçues largement véhiculées sur la vape semblent avoir déformé le raisonnement clinique, désormais basé sur la peur : « Nous craignons que les réactions émotives puissent avoir un impact sur la prise de décision clinique », écrivent-ils. Ils encouragent ainsi les médecins à revenir rapidement aux preuves scientifiques disponibles et à remettre véritablement en perspective la question du risque relatif. Sans cela, alerte le RCP, de nombreuses personnes pourraient continuer de fumer du tabac, qu’ils savent pourtant sciemment nocif, plutôt que de passer à un produit qui l’est beaucoup moins.
Plus encore, il est urgent pour les chercheurs que les professionnels de santé soient « clairs sur le fait que les méfaits du tabac ne proviennent pas de la nicotine ». Trop de fumeurs la jugent encore nocive et cancérigène « et une grande partie de cette perception erronée pourrait se traduire par une réticence à passer à des produits moins nocifs, mais contenant de la nicotine ».
Les recommandations du Royal College of Physicians sont ainsi claires et inchangées : « Pour promouvoir une bonne santé, réduire les méfaits et prévenir les décès prématurés, nous devrions soutenir le vapotage comme moyen d’abandon du tabac chez les adultes et en faire une priorité urgente de santé publique. Dans notre souci des enfants, n’oublions pas la santé des adultes ».
Sources :
Notley C, Barry S, Parrott S. Do respiratory physicians not care about people who smoke ? Clinical Medicine Journal, septembre 2023. DOI : https://doi.org/10.7861/clinmed.2023-0270