Faut-il s’inquiéter du vapotage passif ? La vapeur de cigarette électronique présente-t-elle un risque pour l’entourage du vapoteur, comme l’est la fumée de cigarette pour les proches d’un fumeur ? En plus de 15 ans de recul, voici ce que nous dit la Science.
Cigarette et tabagisme passif
Première cause de mortalité évitable dans le monde, le tabagisme fait plus de 8 millions de morts chaque année. D’après les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 1,3 million d’entre eux sont directement imputables au tabagisme passif, soit à l’exposition involontaire d’un non-fumeur à la fumée dégagée par un ou plusieurs fumeurs.
À l’œuvre ici, les milliers de substances toxiques contenus dans une cigarette, dont plus d’une cinquantaine sont des cancérigènes avérés, et qui, une fois libérés par la combustion et inhalés, favorisent le développement de multiples affections, entre autres cancers et maladies cardiovasculaires ou pulmonaires.
Si l’on sait pourtant la cigarette électronique bien moins nocive pour les utilisateurs que la cigarette de tabac, parce qu’elle simule la fumée d’une cigarette combustible, sa vapeur est souvent associée aux mêmes dangers que le tabagisme, et que le tabagisme passif. Or, comme vous allez très vite vous en apercevoir, fumée et vapeur n’ont en réalité rien en commun…
Cigarette électronique et vapotage passif
En tant qu’ancien ou actuel fumeur, vous ne le savez que trop bien : impossible de fumer sans feu. Pour pouvoir être consommée, une cigarette de tabac classique requiert une flamme, une combustion. C’est précisément ce procédé qui pose problème, invitant des milliers de substances nocives et cancérigènes dans l’organisme et l’environnement du fumeur.
À l’inverse (et c’est là toute l’innovation), une cigarette électronique fonctionne par vaporisation, grâce à une résistance électrique présente dans le réservoir. Une fois le dispositif de vapotage enclenché, cette dernière vient alors chauffer le e-liquide en place, le transformant en gaz. Autrement dit, une e-cigarette ne produit aucune fumée, mais de la vapeur.
Un fonctionnement qui change tout : bien loin de la combustion et des millions de morts qu’elle cause chaque année, dans le monde, le vapotage ne déplore quant à lui aucun mort. Depuis 2015, il est même estimé à 95 %, au moins, moins nocif que fumer1 par l’agence de sécurité sanitaire britannique, qui reconfirme chaque année cette donnée au regard des nouvelles publications scientifiques.
Et, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, on en sait déjà beaucoup sur la vapeur de cigarette électronique et sur les moindres risques qu’elle représente pour les personnes non-vapoteuses qui y sont exposées…
Vapotage passif et qualité de l’air
S’il est fortement déconseillé de fumer à l’intérieur de son domicile, et définitivement interdit dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public depuis la révision de la loi Évin, en 2007, ce n’est pas pour rien.
Comme le rappelle régulièrement le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue à Paris, des milliards de particules toxiques qui s’échappent de la fumée d’une cigarette, entre autres goudrons, nitrosamines, formaldéhyde et aldéhydes, une petite partie d’entre elles seulement sont absorbées par le fumeur. En majeure partie, ces particules se diffusent ainsi dans l’environnement du fumeur, lorsque ce dernier n’utilise pas sa cigarette et la laisse se consumer.
« Le fumeur de cigarettes absorbe 1 milliard de particules mais laisse 5 autres milliards se diffuser dans la pièce lorsqu’il ne tire pas sur sa cigarette et que celle-ci se consume. L’essentiel du tabagisme passif est lié à cette fumée secondaire, qui s’échappe de la cigarette quand le fumeur ne tire pas dessus »
– Pr Bertrand Dautzenberg
À l’inverse, explique-t-il, la vapeur de cigarette électronique ne contient pas toutes ces substances. Cette dernière est ainsi exempte de goudron, qui constitue plus de 90 % de la masse des substances cancérogènes dans la fumée de cigarettes, ou encore de microparticules solides, lesquelles sont responsables d’effets délétères sur l’appareil respiratoire et cardiovasculaire des fumeurs.
Et, si d’autres molécules sont effectivement rejetées dans l’air lors de l’utilisation d’une vapoteuse, elles le sont dans des quantités si infimes en comparaison à la fumée de cigarette que les risques engendrés ne sont forcément plus les mêmes.
C’est notamment ce qu’ont montré plusieurs études effectuées sur la question, dont celle de Tobias Schripp2, reprise par le docteur Luc Réfabert pour son contre-rendu de 2015 auprès de la Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant (CNNSE)3.
Menée au début des années 2010 auprès d’un volontaire vapoteur, dans une pièce fermée et étanche de 8 mètres cube, elle a révélé des taux de formaldéhyde, d’acétone, d’isoprène, d’acétaldéhyde et d’acide acétique de 2 à 60 fois moins élevés dans l’aérosol de cigarette électronique que dans celui de la cigarette classique.
Des conclusions similaires ont été rendues par le docteur Konstantinos Farsalinos, en 2015, suite à son étude sur les quantités de nitrosamines spécifiques au tabac (TSNA) dans la vapeur des e-cigarettes4. De même, deux études pilotes de l’époque sur le vapotage passif ont conclu à une exposition aux constituants chimiques inférieure aux niveaux quantifiables5.
Aussi, depuis 2015, tous s’accordent à dire que les émissions d’une cigarette électronique ne sont en rien comparables à celles d’une cigarette de tabac classique, les taux relevés étant trop infimes pour représenter un risque réel de vapotage passif.
Vapotage passif et durée d’exposition
Autre distinction de taille entre la vapeur d’une cigarette électronique et la fumée d’une cigarette à combustion : leur temps d’émission.
Non seulement une vapoteuse ne se consume pas, à la différence d’une cigarette classique, ce qui réduit de fait les risques auxquels s’expose l’entourage d’un vapoteur, mais l’aérosol de e-cigarette – et tout ce qu’il contient – se dissipe complètement en moins d’une minute.
Or, en ce qui concerne la cigarette fumée, l’aérosol reste en suspension dans l’air bien plus longtemps : d’une demi-heure à plusieurs heures !
« Dans la vapeur de cigarette électronique, il s’agit de fines gouttelettes qui se transforment en gaz et qui se dissipent très rapidement. Plus rien ne flotte dans l’air 1 minute après, contrairement à la fumée du tabac, dont les particules solides peuvent rester dans une pièce plusieurs heures après la combustion d’une cigarette »
– Pr Bertrand Dautzenberg
De fait, il est beaucoup moins risqué pour un non-fumeur de se trouver à proximité ou dans la même pièce qu’un vapoteur plutôt qu’un fumeur. Si la production de vapeur, de même que l’odeur générée par certains e-liquides vaporisés peuvent déranger, un non-utilisateur ne se trouvera pas surexposé à de dangereuses substances, comme c’est le cas avec la cigarette à fumer.
Vapotage passif VS tabagisme passif : quelle conclusion ?
Depuis plus de 10 ans, nombre d’études scientifiques se sont ainsi saisies de cette question : y-a-t-il un risque de “contamination” de l’environnement par la vapeur issue du fonctionnement d’une cigarette électronique, comme il en existe avec la cigarette à combustion ? Autrement dit, est-il aussi dangereux de vapoter que de fumer en présence de non-utilisateurs ?
Procédant par identification, puis quantification des molécules rejetées lors de l’utilisation d’une e-cigarette et d’une cigarette classique, et analysant également la durée d’émission de celles-ci, selon plusieurs types de mises en situation, ces différents chercheurs ont globalement souligné deux points :
- La vapeur de cigarette électronique rejette bien moins de molécules à risque que la fumée de cigarette, et dans des taux infiniment moindres ;
- La durée de vie des gouttelettes de vapeur est plus de cent fois inférieure à la fumée de cigarette : les particules rejetées par la e-cigarette s’estompent en quelques minutes, tandis que celles émises par la fumée de cigarette peuvent rester en suspension dans l’air plusieurs heures.
Autrement dit, pour l’entourage d’un utilisateur de cigarette électronique, le vapotage passif est quasiment inexistant. C’est pourquoi bon nombre de professionnels de santé recommandent aux femmes fumeuses enceintes pour qui les stratégies conventionnelles d’aide à l’arrêt du tabac ne fonctionnent pas de se tourner vers la vape.
Cela étant dit, pour préserver le bon vivre en société, nous ne saurions que vous conseiller d’éviter de vapoter en présence de non-utilisateurs si vous vous trouvez dans des lieux fermés. Sachez d’ailleurs qu’à l’instar de la cigarette, il est interdit de vapoter dans bon nombre de lieux publics !
Sources
- 1En 2015, des experts indépendants du Public Health England (PHE) ont été les premiers à démontrer la grande réduction des risques permise par la cigarette électronique : https://www.gov.uk/government/news/e-cigarettes-around-95-less-harmful-than-tobacco-estimates-landmark-review
- 2Schripp T, Markewitz D, Uhde E, Salthammer T. Does e-cigarette consumption cause passive vaping? Indoor Air. 2013 Feb;23(1):25-31. DOI : 10.1111/j.1600-0668.2012.00792.x
- 3Réfabert L, Vapotage passif, CNNSE, novembre 2015 (version PDF téléchargeable, langue française).
- 4Farsalinos KE, Gillman G, Poulas K, Voudris V. Tobacco-Specific Nitrosamines in Electronic Cigarettes: Comparison between Liquid and Aerosol Levels. Int J Environ Res Public Health. 2015 Jul 31;12(8):9046-53. DOI : 10.3390/ijerph120809046.
- 5Maloney, J. C., Thompson, M. K., Oldham, M. J., Stiff, C. L., Lilly, P. D., Patskan, G. J., … Sarkar, M. A. (2016). Insights from two industrial hygiene pilot e-cigarette passive vaping studies. Journal of Occupational and Environmental Hygiene, 13(4), 275–283. DOI : https://doi.org/10.1080/15459624.2015.1116693